J.O. 190 du 17 août 2004
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Décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004
NOR : CSCL0407581S
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues par l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, le 3 août 2004, par M. Jean-Marc Ayrault, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. François Hollande, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Bernard Madrelle, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Pérez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, MM. Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Paul Giacobbi, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo et M. Roger-Gérard Schwartzenberg, députés ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi no 90-449 du 31 mai 1990 modifiée visant à la mise en oeuvre du droit au logement ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 6 août 2004 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative aux libertés et responsabilités locales ; qu'ils contestent la régularité de sa procédure d'adoption ainsi que la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 18, 22, 28, 44, 60, 65, 66, 70, 73, 86, 91, 163 et 203 ;
Sur le grief tiré de la violation du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution :
2. Considérant qu'au cours de la deuxième séance du 23 juillet 2004, le Premier ministre a fait connaître à l'Assemblée nationale qu'il avait décidé, « après avoir obtenu l'autorisation du conseil des ministres », d'engager la responsabilité du Gouvernement, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, sur le vote du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales ;
3. Considérant que, selon les requérants, la procédure suivie aurait été irrégulière faute de délibération du conseil des ministres autorisant le Premier ministre à engager la responsabilité du Gouvernement ; qu'ils font valoir qu'aucun communiqué du conseil des ministres ne fait état d'une telle délibération ;
4. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution : « Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent » ; que l'exercice de cette prérogative par le Premier ministre n'est soumis à aucune condition autre que celles résultant de ce texte ;
5. Considérant qu'il ressort de la production d'un extrait de relevé de décisions du conseil des ministres que celui-ci a délibéré, au cours de sa réunion du 21 juillet 2004, de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales ; qu'ainsi, la condition posée par la Constitution pour la mise en oeuvre de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a été respectée ; que, dès lors, le grief invoqué manque en fait ;
Sur le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité :
En ce qui concerne les articles 1er, 44, 70 et 86 :
6. Considérant que les articles 1er, 44 et 70 de la loi déférée ont pour objet de transférer aux régions, à titre expérimental, des compétences en matière de développement économique, de gestion des fonds communautaires et de réalisation d'équipements sanitaires ; que son article 86 permet d'expérimenter une nouvelle organisation administrative des écoles primaires communales ;
7. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions « remettent en cause l'égalité des citoyens faute pour le législateur d'avoir défini, par des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, l'encadrement des multiples expérimentations envisagées » ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 37-1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental » ;
9. Considérant que rien ne s'oppose, sous réserve des prescriptions des articles 7, 16 et 89 de la Constitution, à ce que le pouvoir constituant introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans les cas qu'elles visent, dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle ; que tel est le cas de l'article 37-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 susvisée, qui permet au Parlement d'autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi ; que, toutefois, le législateur doit en définir de façon suffisamment précise l'objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle ;
10. Considérant qu'aux termes du II de l'article 1er de la loi déférée : « A titre expérimental et pour une durée de cinq ans, aux fins de coordination des actions de développement économique définies à l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales, l'Etat peut confier à la région le soin d'élaborer un schéma régional de développement économique. Après avoir organisé une concertation avec les départements, les communes et leurs groupements ainsi qu'avec les chambres consulaires, le schéma régional de développement économique expérimental est adopté par le conseil régional. Il prend en compte les orientations stratégiques découlant des conventions passées entre la région, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les autres acteurs économiques et sociaux du territoire concerné. Le schéma est communiqué au représentant de l'Etat dans la région. - Le schéma régional de développement économique expérimental définit les orientations stratégiques de la région en matière économique. Il vise à promouvoir un développement économique équilibré de la région, à développer l'attractivité de son territoire et à prévenir les risques d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région. - Quand un schéma régional expérimental de développement économique est adopté par la région, celle-ci est compétente, par délégation de l'Etat, pour attribuer les aides que celui-ci met en oeuvre au profit des entreprises. Une convention passée entre l'Etat, la région et, le cas échéant, d'autres collectivités ou leurs groupements définit les objectifs de cette expérimentation ainsi que les moyens financiers mis en oeuvre par chacune des parties. Elle peut prévoir des conditions d'octroi des aides différentes de celles en vigueur au plan national... » ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que toutes les régions pourront décider d'élaborer un schéma régional de développement économique et que l'Etat leur déléguera les aides qu'il attribue dès lors que ce schéma répondra aux conditions fixées par la loi ; que la référence à « d'autres collectivités ou leurs groupements », qui figure au troisième alinéa du II de cet article , renvoie aux catégories de collectivités visées à son premier alinéa ;
11. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 44 de la loi déférée : « A titre expérimental, et dans le cadre d'une convention, l'Etat peut confier aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse si elles en font la demande ou, si celles-ci ne souhaitent pas participer à une expérimentation, aux autres collectivités territoriales, à leurs groupements ou à un groupement d'intérêt public, la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de paiement de programmes relevant, pour la période 2000-2006, de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne. L'Etat peut aussi confier cette mission aux conseils généraux lorsque les actions relèvent du Fonds social européen » ; que ces dispositions prévoient explicitement une primauté de la région en matière de transfert des fonctions d'autorité de gestion ou de paiement des fonds structurels européens ; que d'autres collectivités territoriales ne pourront être candidates à une telle expérimentation que si la région ne souhaite pas y participer ;
12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 70 de la loi déférée : « Une expérimentation est engagée dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, pour une durée de quatre ans, afin de permettre aux régions qui en font la demande de participer au financement et à la réalisation d'équipements sanitaires. Un décret publie la liste des régions dont la candidature a été retenue » ; qu'en vertu de son deuxième alinéa : « Dans ces régions, le président du conseil régional et le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation, après avis de sa commission exécutive et après délibération du conseil régional, signent une convention fixant les modalités de la participation de la région au financement des équipements sanitaires » ; que cette possibilité d'expérimentation est offerte de plein droit à toute région qui en ferait la demande ; que le décret mentionné à l'article 70 n'a d'autre objet que d'arrêter la liste de ces régions ; que la convention à laquelle il est fait référence se bornera à servir de cadre à l'intervention de la région et à fixer les modalités de sa participation financière, après délibération du conseil régional ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 86 de la loi déférée : « Les établissements publics de coopération intercommunale ou plusieurs communes d'un commun accord, ou une commune, peuvent, après avis des conseils des écoles concernées et accord de l'autorité académique, mener, pour une durée maximum de cinq ans, une expérimentation tendant à créer des établissements publics d'enseignement primaire. Dans le respect des dispositions des articles L. 211-1 et L. 411-1 à L. 411-3 du code de l'éducation, les statuts de ces établissements sont adoptés par délibération, après accord du représentant de l'Etat. Le conseil d'administration de l'établissement comprend des représentants des collectivités territoriales, des enseignants et des parents. Un décret en Conseil d'Etat détermine les règles d'organisation et de fonctionnement de cet établissement ainsi que les modalités d'évaluation des résultats de l'expérimentation » ; qu'il était loisible au législateur de renvoyer à un décret ces règles d'organisation et de fonctionnement dès lors que ces établissements publics locaux d'enseignement ne constituent pas une catégorie nouvelle d'établissements publics au sens de l'article 34 de la Constitution ;
14. Considérant qu'en adoptant les dispositions précitées, le législateur a défini de façon suffisamment précise l'objet et les conditions des expérimentations en cause ; que ces dispositions ne méconnaissent aucune autre exigence de valeur constitutionnelle ; que, par suite, elles sont conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 203 :
15. Considérant que l'article 82 de la loi déférée confie aux départements et aux régions l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique des bâtiments dans les collèges et lycées dont ils ont la charge ; qu'il leur transfère également le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service de ces établissements ; qu'aux termes de l'article 203 de la loi déférée : « Pour les départements et régions d'outre-mer, et compte tenu de leur situation particulière, l'entrée en vigueur de l'article 82 de la présente loi est subordonnée à un rééquilibrage des effectifs, de manière à ce que le nombre des personnels transférés corresponde à la moyenne des effectifs de référence dans l'ensemble des départements et régions. Cette moyenne est définie en tenant compte des effectifs par élève et de l'organisation du service public de l'enseignement, dans des conditions fixées par décret. Le rééquilibrage est constaté par la commission prévue à l'article 113 » ;
16. Considérant que les députés requérants soutiennent que l'article 203 de la loi déférée méconnaît le principe d'égalité entre collectivités territoriales ;
17. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 73 de la Constitution : « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » ;
18. Considérant que les écarts existant entre les besoins de personnels techniciens, ouvriers et de service des collèges et lycées et les effectifs réels de ces personnels sont plus importants dans certaines académies de métropole qu'ils ne le sont dans certaines académies d'outre-mer ; que ces écarts ne constituent donc pas, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à différer l'entrée en vigueur de la loi dans les départements et régions d'outre-mer ; que, par suite, l'article 203 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ;
Sur le grief tiré de la violation des dispositions des dixième et onzième alinéas du préambule de 1946 :
19. Considérant que l'article 60 de la loi déférée modifie l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation afin de fixer les conditions dans lesquelles le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer le droit de réservation de certains logements qui lui est attribué en faveur des personnes défavorisées ; que l'article 65 modifie la loi du 31 mai 1990 susvisée afin de transférer aux départements la gestion des fonds de solidarité pour le logement ; que l'article 66 modifie l'article L. 822-1 du code de l'éducation afin d'autoriser les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à prendre en charge diverses opérations relatives au logement des étudiants ;
20. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle du droit au logement, en ce qu'elles affectent la prééminence de l'Etat, en cette matière, sur les collectivités locales ; qu'ils leur reprochent notamment de ne plus prévoir la participation de l'Etat au financement et au fonctionnement des fonds de solidarité pour le logement ;
21. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. - Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ;
22. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée » ; qu'en vertu de son article 34, la loi détermine les principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources » ;
23. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il incombe au législateur de définir les compétences de l'Etat et des collectivités territoriales afin de mettre en oeuvre l'objectif de valeur constitutionnelle fixé par les dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 ; qu'il lui appartient toutefois de prévenir, par des dispositions appropriées, des ruptures caractérisées d'égalité dans les possibilités d'accès des personnes défavorisées à un logement décent ;
24. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'article 60 de la loi déférée, se borne à reconnaître au représentant de l'Etat dans le département la possibilité de déléguer au maire ou, avec l'accord de celui-ci, au président d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, tout ou partie de ses droits de réservation de logements appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré ; que l'exercice de cette faculté est subordonné à la conclusion d'une convention qui fixe les engagements du délégataire en vue de la mise en oeuvre du droit au logement et les modalités d'une évaluation annuelle ; que cette convention doit également prévoir les conditions du retrait de cette délégation lorsque le délégataire ne respecte pas ses engagements ; qu'une procédure de substitution est par ailleurs prévue au bénéfice du représentant de l'Etat dans le cas où les objectifs fixés ne seraient pas respectés ;
25. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 65 de la loi déférée, la gestion du fonds de solidarité pour le logement est transférée au département ; que les conditions d'octroi des aides accordées par ce fonds sont définies de façon précise par le nouvel article 6-1 de la loi du 31 mai 1990 susvisée ; que l'activité de ce fonds s'inscrit dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, dont l'élaboration et la mise en oeuvre sont confiées à l'Etat et au département ;
26. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article L. 822-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de l'article 66 de la loi déférée, la charge de la construction, de la reconstruction, de l'extension, des grosses réparations et de l'équipement des locaux destinés au logement des étudiants est confiée aux communes ou établissements publics de coopération intercommunale qui en font la demande ; que la gestion de ces logements reste assurée par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, établissements publics de l'Etat, dans le cadre d'une convention conclue avec la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale ; que ces centres régionaux conservent le pouvoir de décision en matière d'attribution des logements aux étudiants ; qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités selon lesquelles les représentants de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale participeront à ces décisions ;
27. Considérant qu'en adoptant les dispositions précitées, le législateur n'a pas méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 et a défini des conditions suffisantes pour prévenir des ruptures caractérisées d'égalité dans les possibilités d'accès des personnes défavorisées à un logement décent ; que, dès lors, le grief doit être rejeté ;
Sur les griefs tirés du défaut de clarté et d'intelligibilité des articles 18, 22, 28, 73, 91 et 163 :
28. Considérant que, selon les requérants, les dispositions des articles 18, 22, 28, 73, 91 et 163 de la loi déférée manquent aux « principes de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi » ;
29. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; qu'à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;
30. Considérant que l'article 18 de la loi déférée met en oeuvre de façon précise le transfert aux départements des routes nationales ; qu'il prévoit la réalisation d'« une étude exhaustive portant sur l'état de l'infrastructure, au moment de son transfert, ainsi que sur les investissements prévisibles... » ; que cette étude, réalisée par l'Etat, permettra aux départements de connaître la qualité de ces infrastructures et la charge financière prévisible qui leur est attachée ;
31. Considérant que l'article 22 de la loi déférée, qui donne une nouvelle rédaction à l'article L. 110-3 du code de la route, redéfinit la notion de « route à grande circulation » et précise le régime qui lui est applicable ; que la liste de ces routes sera fixée par décret après avis des collectivités et des groupements propriétaires des infrastructures ; que ces collectivités ou groupements devront communiquer au représentant de l'Etat dans le département leurs projets tendant à modifier les caractéristiques techniques des routes à grande circulation ; que, si le législateur n'a pas précisé les conditions dans lesquelles l'Etat pourrait s'opposer à de tels projets, les dispositions de droit commun sur le contrôle de légalité s'appliqueront en la matière ;
32. Considérant que l'article 28 de la loi déférée organise le transfert aux collectivités territoriales ou à leurs groupements des aérodromes civils appartenant à l'Etat ; que, si le législateur a prévu que toute collectivité ou groupement de collectivités territoriales pourrait demander à prendre en charge ces aérodromes, c'est afin de tenir compte de la diversité des équipements concernés ; que ce choix s'accompagne néanmoins d'une procédure de concertation en cas de pluralité des candidatures ; qu'en outre, aux termes du cinquième alinéa du II de l'article 28 et sous réserve de la priorité reconnue à la région : « En l'absence d'accord au terme de la concertation, le représentant de l'Etat dans la région désigne le bénéficiaire du transfert en tenant compte des caractéristiques de l'aérodrome, notamment de son trafic et de sa zone de chalandise, ainsi que des enjeux économiques et d'aménagement du territoire... » ;
33. Considérant que l'article 73 de la loi déférée, qui complète le code de la santé publique, confie aux régions la charge d'autoriser et d'agréer les écoles de formation des professions paramédicales et prévoit les conditions de leur financement ; que, s'il dispose que la région « peut participer au financement du fonctionnement et de l'équipement de ces établissements lorsqu'ils sont privés », son paragraphe XI n'en prévoit pas moins que : « La région est substituée à l'Etat dans les droits et obligations relatifs au fonctionnement et à l'équipement des écoles de formation et instituts privés » ;
34. Considérant que l'article 91 de la loi déférée insère dans le code de l'éducation un nouvel article L. 216-11 qui prévoit que les collectivités territoriales et l'Etat peuvent conclure des conventions en vue de développer des activités communes dans le domaine éducatif et culturel ; qu'il leur permet de constituer, à cet effet, avec d'autres personnes morales de droit public ou privé, un groupement d'intérêt public ; qu'en faisant référence aux « autres personnes morales de droit public ou privé », le législateur a fait le choix de n'exclure aucune catégorie de personnes morales ;
35. Considérant que l'article 163 de la loi déférée insère dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 5211-9-1 qui permet aux maires des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de confier au président de cet établissement leurs pouvoirs de police en matière d'assainissement, d'élimination des déchets, d'accueil des gens du voyage, d'organisation de certaines manifestations, de circulation et de stationnement ; que ce transfert fait l'objet d'un encadrement précis ; qu'en particulier, il ne pourra porter que sur des pouvoirs s'attachant à une compétence exercée par l'établissement public de coopération intercommunale ;
36. Considérant que le législateur a ainsi décrit en termes suffisamment clairs, précis et intelligibles les transferts de compétences prévus par les articles 18, 22, 28, 73, 91 et 163 ; qu'il n'a ni méconnu la compétence qui est la sienne en vertu de l'article 34 de la Constitution, ni porté atteinte aux exigences d'intelligibilité et de clarté de la loi ;
37. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,
Décide :
Article 1
L'article 203 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales est déclaré contraire à la Constitution.Article 2
Les articles 1er, 18, 22, 28, 44, 60, 65, 66, 70, 73, 86, 91 et 163 de la même loi sont conformes à la Constitution.Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 août 2004, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, président, MM. Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Pierre Joxe et Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.
Le président,
Pierre Mazeaud